Dans la première partie de cette étude de cas nous avons découvert les modalités et grands principes du parcours de formation mis en place par Didask et Pluriel Consultants pour accompagner la transformation de la profession comptable. L'enjeu de cette deuxième partie est d'en décrypter le contenu : quelle méthode a été suivie pour créer les modules qui répondent aux besoins précis de la profession et permettent une montée en compétences réelle et durable ?
Lorsque l’objectif est d’atteindre une montée en compétence réelle et durable, la création des contenus en ligne nécessite une méthode pédagogique qui soit à la fois rigoureuse (basée sur les mécanismes fondamentaux de l'apprentissage) et transférable (applicable le plus vite possible en autonomie par les détenteurs de l'expertise à transmettre). Toujours dans le souci d’efficacité, nous avons choisi d’articuler notre méthode autour de piliers éprouvés par la recherche en sciences cognitives.
L'objet de cet article est de décrypter deux étapes de cette méthode pédagogique et de montrer comment nous les avons mis en application avec nos partenaires dans le cadre du projet E-coll. Ces deux étapes, indispensables pour former efficacement, sont les suivantes :
La granularisation correspond au découpage d'une formation en modules et à l'articulation de ces modules dans un parcours. D’après la méthode Didask, un bon module correspond à une séance d’exercices de quinze à vingt minutes qui permet de travailler une compétence en particulier. Chaque module est explicitement associé à un objectif de changement d'état précis.
Pourquoi des exercices ? C’est le fameux Testing Effect, qui dit que l’on apprend beaucoup mieux par la mise en pratique que par la consultation passive de ressources. C’est pourquoi chaque module sur Didask contient obligatoirement 5 à 10 cas à résoudre.
Pourquoi quinze à vingt minutes ? Parce que pour bien apprendre, il faut éviter la surcharge mentale. Plutôt que de présenter tout le contenu en une traite, on découpe le contenu en petits grains, correspondant à une notion sur laquelle l'attention peut être maintenue de bout en bout.
Pourquoi un changement d’état ? Parce qu’apprendre, c’est changer. Une compétence, qu’il s’agisse d’un savoir-faire ou d’un savoir-être, se traduit toujours par la capacité à faire quelque chose qu’on était incapable de faire auparavant. S’il n’y a pas de changement d’état possible, c’est qu’il n’y a pas besoin de formation.
Le préalable indispensable à une production de contenus efficace est donc de granulariser la formation, c’est-à-dire de la décomposer en unités de compétences assimilables en une quinzaine de minutes. Pour le projet e-coll, ce travail a été réalisé conjointement par Pluriel Consultants et Didask, dans le cadre d’une journée de formation.
Répartis en groupes, les experts de Pluriel Consultants ont été amenés à réfléchir à la question suivante : que souhaite-t-on que le collaborateur soit en mesure de faire à l’issue de la journée de formation ? Avec l’aide des ingénieurs pédagogiques Didask, les experts ont pu lister l’intégralité des aptitudes et comportements que les comptables doivent acquérir pour réussir la transition digitale de leur profession. Puis, pour chacune de ces aptitudes, des objectifs pédagogiques clairs ont été définis sous forme de changement d’état avant/après.
Prenons l’exemple de l'aptitude « fast closing », qui signifie la capacité à produire de documents comptables en accéléré. Le collaborateur qui maîtrise le fast closing est celui qui comprend qu’un bilan rapide n’est pas incompatible avec un bilan de qualité, et sait, s’il veut être en mesure de livrer ses comptes plus vite, quelles actions peuvent être mises de côté (saisie irréprochable des libellés), quels clients doivent être priorisés (les clients désorganisés, par exemple) et comment s’organiser en amont (faire un rétroplanning). Concrètement, on peut reconnaître le comptable qui maîtrise le fast closing par sa réaction face à des situations concrètes de travail. Par exemple, il rentrera désormais les charges récurrentes du mois de décembre en novembre. On tient bien là un changement d’état !
La granularisation nécessite à la fois l’expertise du spécialiste métier et la méthode de l’ingénieur pédagogique. Les experts ont pu imaginer 5 à 10 situations mobilisant cette compétence en pratique. Ils ont ainsi considéré qu'il était réaliste de travailler cette compétence en 15 à 20 minutes. L’ensemble du parcours a été décomposé selon cette logique, pour arriver finalement à une quarantaine de modules pouvant aller de « réduire vos actions inutiles » à « évaluer la performance de l’entreprise grâce à la valeur ajoutée et à l’EBE ».
Deuxième étape-clé de la conception des contenus : créer des exercices efficaces sur le plan pédagogique. Souvent, en matière d’e-learning, l’exercice prend la forme d’un bref quiz d’évaluation à la fin d’une formation. La rédaction de ce quiz est perçue comme un livrable parmi d’autres. Il est donc rarement le plus essentiel ni celui qui suscite la réflexion la plus aboutie.
Or, la recherche en sciences cognitives a montré que c’est justement au moment de la mise en pratique permise par le quiz qu’un apprentissage durable peut réellement avoir lieu. Si cette mise en pratique ne demande aucun effort, rien ne se passe. Résultat : les apprenants lisent des PDF, regardent des vidéos, cochent quelques cases… et ressortent de la formation exactement tels qu’ils y sont entrés. C’est ce qu’il fallait à tout prix éviter avec les comptables, pour qui le changement n’est pas une option.
Afin de susciter le changement d’état défini lors de la granularisation, la méthode Didask met l’exercice au cœur de l’apprentissage : on apprend par la mise en pratique, via une démarche d’essai-erreur. Pour chaque compétence, il s’agit de trouver entre 5 et 10 mises en situations qui permettront à l’apprenant d’acquérir progressivement les bonnes attitudes. Concevoir une épreuve pertinente de ce type ne s’improvise pas. Il s'agit d'une science – la docimologie – qui répond à des principes clairs. (Voir notre article sur la docimologie)
Tout d’abord, pour qu'il y ait apprentissage, il faut que les questions présentent un certain niveau de difficulté (voir notre article sur les difficultés désirables). Créer un bon QCM n'est pas évident ! Le travail de nos experts pédagogiques et de créer des quiz par lesquels on apprend véritablement, en repérant et évitant certains écueils classiques :
Au fil de ce travail d’édition, les réflexes naturels laissent place à une approche plus rigoureuse, et les concepteurs finissent par s’approprier la méthode.
Ensuite, les questions doivent privilégier la pratique à la théorie, et la mobilisation des compétences à la mémorisation des notions.
Ainsi, parmi les exercices réalisés avec Pluriel Consultants, près de 4 sur 5 sont des mises en situation. En voici un exemple :
« Monsieur Mallard dirige une boutique d’import-export depuis quelques années. Vous suiviez son dossier depuis sa création. Il souhaiterait augmenter son résultat car il ne peut pas continuer à vivre avec si peu de rémunération, mais il ne veut pas rogner sur la qualité des produits vendus, ni sur son rapport qualité prix, ni se priver des services de son employée qui vient le seconder lors des pics d’activité. Il ne sait pas comment faire. Il vous demande des conseils pour atteindre son objectif. »
Les comptes sont mis à disposition de l’apprenant, qui doit alors choisir quelle approche proposer (réduire ses loyers ? réduire ses polices d’assurance ?). Les situations sont toutes plausibles, c’est-à-dire inspirées du réel. C'est ce qui permet aux collaborateurs de développer des compétences mobilisables dans leurs situation de travail une fois la formation en ligne terminée.
Enfin, les questions doivent offrir aux apprenants un feedback pertinent, c’est-à-dire un retour d’information correctif. Si la réponse qu’ils ont choisie est fausse, ils doivent comprendre précisément pourquoi elle est fausse ; si elle est bonne, pourquoi elle est bonne et ce que cela signifie.
Pour concevoir la formation E-Coll en respectant ces deux grands principes, il a fallu d'abord procéder de manière itérative, par allers-retours réguliers entre Pluriel Consultants et Didask, dans une démarche de co-construction des contenus. Avec la pratique, les experts concepteurs ont pu internaliser la méthode pédagogique, permettant ainsi à l’équipe pédagogique Didask de se mettre progressivement en retrait du processus de création.
Au final, E-coll représente une quarantaine de modules de 8 questions en moyenne, soit environ 320 questions. Chacune de ces questions a fait l’objet d’un contrôle qualité rigoureux, énoncé par énoncé, distracteur par distracteur, explication par explication. Ce travail a bien évidemment demandé beaucoup de temps et d’effort, aussi bien aux concepteurs de Pluriel Consultants qu’à l’équipe pédagogique : le temps total estimé de conception par module a été d’une journée et demie.
N’est-ce pas là cependant le prix à payer pour que les apprenants retirent enfin des résultats concrets de leur apprentissage ? A en croire les retours des formateurs de Pluriel Consultants, l’investissement a été plus que payant : lorsque les apprenants arrivaient en journée de formation après une session de travail sur Didask, ils tenaient « des propos inouïs, d’une maturité absolument incroyable » démontrant qu’ils maîtrisaient déjà l’essentiel.
Pour un nombre croissant de professions touchées par l’automatisation, cette question n’en est réalité pas une : il n’y aura bientôt plus le choix. Celles qui ne sauront pas organiser la montée en compétence réelle et durable de leurs employés disparaîtront ; les autres réussiront aussi bien leur transformation digitale que toutes les autres transformations à venir de leur activité.
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