Qui n’a pas déjà tenté de mémoriser un cours ou un dossier important en le lisant plusieurs fois de suite jusqu'à ce que “ça rentre” ? Lorsque nous apprenons quelque chose, nous estimons le maîtriser dès que nous "sentons" que nous l'avons en mémoire. Nous nous arrêtons donc, pensant en avoir terminé. Mais quand quelques jours plus tard, l'occasion de mobiliser ce savoir se présente, horreur : nous n'arrivons pas à nous la remémorer [1]. Ces intuitions trompeuses sont très courantes lors de l'apprentissage. C’est ce qu’on appelle les illusions de maîtrise, cette impression de “croire savoir” alors que ce n’est pas le cas.
Mais si elles sont si communes, est-il possible de combattre ces illusions de maîtrise ? Et comment peut-on s’assurer d’un apprentissage efficace ?
Ces dernières années, les travaux menés sur le sujet en sciences cognitives ont fourni de solides résultats solides sur les méthodes d’apprentissages à privilégier pour éviter l’illusion de maîtrise et bien appréhender cet enjeu cognitif [2]. Les stratégies d’apprentissage dites passives comme la relecture répétée sans interruption dans le temps, le surlignage et le recopiage sont à éviter : parce qu'elles ne fournissent pas d’indicateurs objectifs de notre maîtrise d’une information, elles nous confortent dans notre illusion de maîtrise et l'apprentissage est de moins bonne qualité.
Au contraire, l'auto-évaluation fait partie des méthodes d’apprentissage simples à mettre en place pour déjouer les pièges de l'illusion de maîtrise. En plus de rendre l’apprenant acteur de son apprentissage, elles permettent de savoir précisément grâce à l'autoévaluation. Que cette dernière soit sous forme de QCM, de textes à trous, de remémoration spontanée ou encore de mise en situation, l’objectif reste le même : pointer du doigt nos lacunes autant que nos acquis [3].
Pourtant, alors que la recherche a démontré que l’auto-évaluation est plus efficace que la relecture passive [4], beaucoup d’apprenants continuent à utiliser cette dernière et la croient très performante. Ces a priori proviennent en partie de la peur de l’erreur : la relecture nous rassure car elle nous évite de nous "tromper". Or, les erreurs commises en se testant sont vues à tort comme des échecs, alors qu'elles sont en réalité les meilleures alliées de l'apprentissage ! En effet, en nous trompant et en comprenant ensuite pourquoi, l’auto-évaluation nous aiguille sur la façon d’éviter telle ou telle erreur que l'on aurait pas décelée sinon [5].
Enfin, l'auto-évaluation fournit des informations pertinentes sur notre niveau de maîtrise d’une connaissance, ce qui contribue à un meilleur apprentissage. Il est en effet prouvé qu'à durée d'apprentissage égale, se tester permet une meilleure mémorisation : vous réduisez votre taux d’oubli au cours du temps, tout en maintenant un même niveau de maitrise [6]. N’ayez donc plus peur de vous tromper, vous apprenez. Pour les formateurs en eLearning, il est donc essentiel de miser sur des solutions leur permettant de concevoir des cas pratiques pour que leurs apprenants se testent, le tout dans un environnement bienveillant où l'erreur est bien accueillie.
Pour démultiplier ses effets positifs sur l'apprentissage, l'auto-évaluation doit être utilisée tout le long de l’apprentissage pour nous indiquer en permanence notre niveau de connaissance réel [7]. En effet, nos progrès ne sont pas linéaires, et le contenu que vous maîtrisiez si bien à un instant T pourrait être déjà en train de s'effacer de votre mémoire à votre insu. Se tester régulièrement permet de prévenir les oublis au cours du temps et de consolider nos acquis ! C'est-ce qu'on appelle le spacing effect, qui consiste à espacer les séances de révision [8] et ce, à tout moment de nos apprentissages et révisions [9]. Les solutions d'adaptive learning comme celle de Didask constituent un bon allié pour y parvenir car elles espacent automatiquement les séances.
Reste à savoir quel type d’auto-évaluation est la plus efficace ! Nous devons trouver celle qui nous donne les retours les plus pertinents sur nos performances, et cela dépend bien-sûr du type de connaissance que nous souhaitons maîtriser. De manière générale, plus l’évaluation mobilisera nos fonctions de mémorisation et nécessitera des efforts, plus elle nous donnera un aperçu fiable de nos capacités.
Réduire au maximum l’écart entre notre niveau réel et la perception que nous en avons, c'est la première garantie d'un apprentissage réussi !
[1] Bjork, R. A., Dunlosky, J., & Kornell, N. (2013). Self-regulated learning: Beliefs, techniques, and illusions. Annual review of psychology, 64, 417-444.
[2] Dunlosky, J., Rawson, K. A., Marsh, E. J., Nathan, M. J., & Willingham, D. T. (2013). Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques: Promising Directions From Cognitive and Educational Psychology. Psychological Science in the Public Interest: A Journal of the American Psychological Society, 14(1), 4–58.
[3] Brown, P. C., Roediger, H. L., & McDaniel, M. A. (2014). Make It Stick. Harvard University Press. (chapitre 5 : Avoid illusions of knowing).
[4] McCabe JA. 2011. Metacognitive awareness of learning strategies in undergraduates. Mem. Cogn. 39:462–76
[5] Butler, A.C. and Roediger, H.L., III (2008) Feedback enhances the positive effects and reduces the negative effects of multiple-choice testing. Mem. Cogn. 36, 604–616
[6] McDaniel, M. A., Wildman, K. M., & Anderson, J. L. (2012). Using quizzes to enhance summative-assessment performance in a web- based class: An experimental study. Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 1, 18–26.
[7] Gholami, V., Morady Moghaddam, M. (2013).The effect of weekly quizzes on students' final achievement score. Modern Education and Computer Science, (1), 36-41.
[8] Roediger III, H. L., & Karpicke, J. D. (2011). Intricacies of spaced retrieval: A resolution. In Successful remembering and successful forgetting: A festschrift in honor of Robert A. Bjork (pp. 23–47). New York, NY, US: Psychology Press.
[9] Karpicke, J. D. (2009). Metacognitive control and strategy selection: deciding to practice retrieval during learning. Journal of Experimental Psychology: General, 138(4), 469.
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